Depuis Baron et Bruillard (1996), on sait que les usages des outils numériques en éducation dépendent de la façon dont les enseignants s'approprient ces technologies éducatives. Le rapport Delaubier (2015), ainsi que des auteurs tels que Besneville et al., (2019) ont montré que les enseignants du primaire avaient une faible utilisation des outils numériques, privilégiant des outils pour préparer la classe et la visualisation collective. La pandémie de COVID-19 a imposé l'utilisation du numérique dans l'enseignement, y compris dans le premier degré, et nous amené à interroger les outils utilisés et les facteurs de choix des enseignants. Nous nous sommes appuyés sur l'idée que l'appropriation ne se décrète pas (Tricot et Chesné, 2020) et qu'elle s'observe lorsque l'enseignant parvient à intégrer la nouveauté, à la mobiliser de façon stratégique pour répondre à des objectifs précis, remettant souvent en question les usages établis (Toure, 2016). Notre étude des usages numériques auprès de 1994 enseignants pendant le confinement (Catoire, Schneewele, Tesson, & Tricard, 2022) a montré que les enseignants du primaire ont eu recours à plus d'outils numériques, en fonction de l'utilité qu'ils en percevaient, pour assurer la continuité pédagogique en reproduisant la situation de classe, et maintenir le contact avec les élèves et familles principalement. Comparativement aux autres niveaux d'enseignement (secondaire, supérieur), les enseignants du primaire semblent s'être moins approprié les outils numériques car ils ont été les plus nombreux à déclarer utiliser des outils clé en main et en rapport avec les préconisations institutionnelles.
Trois ans après le confinement, en février-mars 2023, nous avons recontacté 510 personnes qui avaient répondu à notre questionnaire en 2020 afin de mesurer dans quelle mesure le rapport à l'utilisation du numérique avait évolué ou non depuis le confinement. A ce jour, nous avons reçu 152 réponses, dont 37 enseignants du primaire. Nous avons choisi de poser des questions similaires à celles de 2020 pour relever et comparer 1) les outils numériques utilisés par les enseignants à l'heure actuelle ; 2) les facteurs de choix des outils numériques en classe (choix personnel ou injonction institutionnelle ; intérêts perçus à l'utilisation de l'outil) ; 3) les changements perçus dans leurs pratiques du numérique en classe depuis la fin du confinement. L'analyse des réponses au questionnaire sera complétée par des entretiens semi-directifs menés avec 4 enseignants du premier degré volontaires, afin de mieux comprendre leur trajectoire d'appropriation des outils numériques et comprendre comment les environnements matériels, sociaux, les représentations sociales et les pratiques de classe qui pèsent sur l'enseignant (Baron, 2019) contribuent, après le confinement, à influencer les usages, en tant que leviers ou obstacles.
Dans cette communication, nous nous attacherons donc à répondre à la problématique : dans quelle mesure les usages numériques développés pendant le confinement ont-ils eu un impact sur l'appropriation par les enseignants du primaire des technologies éducatives ?
Les résultats proviendront de l'analyse des 37 questionnaires à l'aide du logiciel Sphinx IQ v2 comme dans notre étude précédente, ainsi que des entretiens que nous mènerons en mai- juin 2023.
Bibliographie :
Baron G.-L. & Bruillard É. L'informatique et ses usagers dans l'éducation. Paris : PUF, 1996.
Baron, G. (2019). Les technologies dans l'enseignement scolaire : regard rétrospectif et perspectives. Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle, 52/1), pp. 103-122.
Catoire, P., Schneewele, M., Tesson, S., Tricard, E. (2022). Pratiques pédagogiques en confinement : évolutions et usages des outils numériques en fonction du niveau d'enseignement. STICEF, 29/1.
Toure, K. (2016). Pedagogical appropriation of information and communication technologies (ICT). West African educators. Bamenda: Langaa.
Tricot, A et Chesné, J.-F. (2020). Numérique et apprentissages scolaires : rapport de synthèse. Paris : Cnesco.